Cuba Baila y bien
18.2.08
  La Chronique de Dan : Part 7
Pour Dan, Sergio était par bien des aspects, à la fois l'incarnation d'une forme d'errance cubaine et également l'héritier indigne d'une part de l'âme de cette île. Il avait la parole facile, on décelait également chez lui une grande vivacité d'esprit, un abord chaleureux et, parfois, pour qui n'y prend garde, un piège tendu au détour du chemin… Sergio est un «palestino», comme se baptisent eux-mêmes tous ses alter ego débarqués de San Luis - une petite ville proche de Santiago de Cuba, à huit ou neuf cents kilomètres à l'est de La Havane.
Dan l'avait maintes fois constaté, ceux qui s'en sortent le mieux à La Havane, se distinguent par un talent bien particulier. Sergio en était le parfait exemple. Il partage avec ses coreligionnaires cette même force de caractère, cette même ténacité qui, associée à un don particulier pour la conversation, a quelque chose de machiavélique… et c'est également le gage de son appartenance à cette élite singulière. Sa conversation n'a rien d'un quasi monologues dont abusent certains, égoïstement amoureux de leur verbiage stérile. Au contraire, personne n'est plus attentif que lui aux paroles de l'autre…sûrement pour mieux les utiliser par la suite, par calcul. La finesse du jeux consiste notamment à reconnaître et ressentir les aspirations de l'autre pour les utiliser à son profit. Cela correspondait beaucoup à l'idée que se faisait Dan de la technique des diseuses de bonne aventure, des voyantes et autres marabouts. Les initiés pourraient assimiler cela à la PNL , pourquoi pas ?
- Par contre, gare à ceux qui ne sont pas pourvus d'un tel don ou qui ont une personnalité trop faible !…se disait Dan en se remémorant son passage précédent à La Havane. Il se revoyait installé sur un des bancs de marbre blanc du « parque central » où quelques arbres touffus dispensent sur les flancs de la place une divine fraîcheur. Le terre-plein central est recouvert d'une pierre bistre et en son milieu parade l'inévitable statue de José Martí. Plus loin, s'aligne de part et d'autre de la statue la même enfilade de très hauts palmiers et la même rangée de bancs entrecoupés de larges accoudoirs. Derrière nous, d'autres bancs, disposés à l'unité dans un espace à la géométrie plus recherchée, sont perpétuellement à l'ombre de palmiers plus petits. A l'orée, les étroits chemins courbés se perdent au milieu d'une pelouse famélique plus brune que verte mais qui témoigne malgré tout du labeur mal récompensé d'un jardinier tenace. Il y avait quelque part par là sept étudiants morts fusillés, on lui avait parlé de çà sans lui situer l'emplacement des tombes. Ils étaient peut-être là, sous ses fesses, qui sait ?…
Un soir où Dan occupait l'endroit, entouré de compagnons, l'un d'eux pointa son doigt vers un jeune gars :
- Regarde-le celui-là, lui avait dit l'un d'eux, il est devenu fou …puis terminant sur un ton sentencieux : c'est la vie qu’on mène ici qui l'a rendu comme çà !…
Une autre nuit, au même endroit, Leydi lui avait montré une jeune fille, grande et plutôt forte qui passait là d'un pas nerveux.
- Tu vois cette fille ? Elle était danseuse au Copacabana. Il y a quelques temps elle était encore très belle. Depuis qu'ils l'ont virée du cabaret elle est devenue dingue… » dit Leydi.
Dan ne commenta pas, il doutait simplement qu'elle ait pus être attirante, peu de temps auparavant. Péniblement, il essayait d'échapper aux divagations manichéenne que son imagination échafaudait. En vain. En son for intérieur, il se prenait à catégoriser un peu trop schématiquement, d'un côté Sergio, Leydi et une majorité de sa bande… de l'autre ceux qui « pètent les plombs », ceux qui craquent...qui ne résistent pas à la douleur quotidienne du dollar …? En tout cas, tant mieux pour eux, ils avaient jusqu'à présent échappé au camion qui se charge de nettoyer les rues des cinglés, des clochards et des poivrots…Quelques ex-éboueurs , recrutés pour la circonstance par les autorités et qui déambulent le soir, revêtus de combinaisons grises.
 
La chronique de Dan.. sur le site des petites anecdotes cubaines de Paris, de la Havane en poussant jusqu'à Guantànamo...pour les plus motivés.
© Olivier Jahier 2006, tous droits réservés sur photos et textes originaux.

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