Ici commmence ma chronique Havanaise...rappelez vous que que toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existée serait purement forfuite.
De retour a la havane«Llegamos al aeropuerto internacional José Martí…» Le commandant de bord, qui semblait le premier satisfait d'être enfin rendu à destination, terminait son cérémonial de bienvenue d'un ton guilleret. A peine sortit de l'ambiance climatisée de la carlingue, le soleil de la mi-journée qui chauffait le tarmac à blanc depuis le matin draina sur le visage de Dan une brise brûlante comme refoulées d'un sèche-cheveux.
Il emboîta le pas d'un couple de touristes espagnols puis, arrivé en bas de l'escalier métallique, posant pied à terre, il sentit se diffuser dans sa chair une sensation étrange mêlant excitation et bonheur à une pointe de doute et de mélancolie.
- La Havane, me voila...
Il avait parlé à mi-voix, attirant l'attention de l'espagnol qui leva la main en gage de complicité.
Il commençait enfin à se relâcher laissant loin derrière l'ambiance blafarde de l'hiver parisien. Balayant des yeux l'aéroport qui exhalait un parfum ambigu de mystère au milieu d'une atmosphère chaleureuse, il scruta cette bâtisse d'apparence moderne, surprenante par son architecture audacieuse. Des pylônes métalliques rouges supportaient une superstructure d'un béton coloré que d'immenses baies vitrées illuminaient d'une lumière intense. Mais Dan accéléra le pas, deux charters étaient annoncés : l'un en provenance de Madrid, l'autre de Rome. La cohue annoncée l'effrayait. Il courrait maintenant pour éviter l'inéluctable corvée mais en pure perte car la vaste salle où il venait d'entrer était déjà à moitié pleine. D'un bref coup d'œil, il évalua la queue la plus rapide :
- Çà devrait aller plus vite cette fois ci… le contrôle de police s'améliore… Plus qu'une dizaine de personnes devant moi… pensa-t-il en estimant le temps restant.
- C'est incroyable…ici il y a au moins cinq minutes d'attente par personne…à Orly on passe en moins d'une minute...
Cherchant une contenance pour passer le temps, il reprenait le compte de ses visites. Il avait mis les pieds pour la première fois à Cuba il y a cinq ans de cela, puis l'année suivante et, ensuite, deux ou trois fois par an…
De nouveau, il se hérissait en se remémorant les longues heures perdues à attendre en files indiennes, exténué par le voyage et fébrile d'impatience. La fois dernière, il avait frôlé l'incident en voulant forcer la barrière d'une contrôleuse qui l'avait gentiment rembarrée et prié de réintégrer la file. Décidément, il ne portait pas dans son cœur cette police aéroportuaire...
La file d'à côté n'était pas de tout repos. La chose avait l'air de plutôt mal s'engager pour un jeune américain, court sur patte, brun, et au geste vif. Mais le tour de Dan arrivait maintenant.
- Encore une petite épreuve à passer se dit-il. Avec les sempiternelles interrogations du policier:
- ¿En que hotel esta hospedado ? ou bien, une autre formule apparue plus récemment :¿Es la primera vez que usted viene a Cuba ? ».
La première question permet de vérifier que le touriste à bien rempli son obligation légale de réserver une chambre d'hôtel, pour au moins trois jours.
- Bon, là je comprend se dit Dan. Ils s'assurent qu'un minimum de devises sera bien dépensé, conformément aux consignes de l'administration castriste. Mais, la seconde question ? Elle est idiote, à la limite du perfide… , pensa Dan.
En effet, elle est censée vérifier la bonne foi du touriste. Mais pourquoi diable irait-on cacher ses précédentes visites à Cuba ? Qui imaginerait un espion - à la solde d'une puissance ennemie (les Etats-Unis comme il se doit) - tomber dans un piège tellement subtil ?
- Quels plaisantins ces flics ! s'énervait Dan.
Une fois franchi le cap de l'hygiaphone, une fois passée cette porte donnant dans le hall à valises, encore un dernier effort à attendre les bagages…
A côté, l'américain n'était pas au bout de ses peines. Visiblement, il ne disposait pas du sésame : cette fameuse réservation d'hôtel. Au prise avec un policier en guise de géo, il s'escrimait à rendre intelligible son mauvais espagnol. Dan savait qu'ils allaient lui proposer trois nuits parmi les meilleurs hôtels du centre, les plus chers aussi… Le policier l'accompagna au téléphone placé à deux mètres de là.
Les bagages défilaient depuis un moment et après trois-quarts d'heure d'attente l'unique valise de Dan apparaissait enfin à l'embouchure du tapis roulant. Il soupira :
- Cette fois j'y suis… roulant sa valise avec conviction jusqu'à la sortie.
Il ne ressentait plus le pincement au cœur de ses toutes premières visites. Cela signifiait que maintenant il était là, presque chez lui…Simplement, il entrecoupait ses nombreux déplacements professionnels dans toute l'Amérique Latine par des visites éclairs à Cuba, probablement en guise de thérapie contre la lassitude de sa vie parisienne et d'interminables semaines de bureau. Ici, il n'avait pas mal, il oubliait jusqu'au souvenirs même de ses douleurs d'estomac. D'ailleurs, oubliés les perpétuels épisodes de digestion lente de son quotidien, il avalait ses séjours havanais par gorgées gargantuesques laissant une rumba lancinante instiller dans ses veines une inextinguible frénésie de vivre, en mesure avec les battements de son cœur. Il se laissa volontiers submerger par un sentiment de bien-être qui, dans une dynamique inconsciente et incontrôlable, chassait au loin toutes pensées déplaisantes .