Cuba Baila y bien
22.8.06
  La Chronique de Dan : Part 4
Dan commençait à trouver le temps long, la fatigue achevait de s'instiller dans ses membres engourdis; lentement, insidieusement, le Paris-Cuba avait accompli son travail de sape. Les soubresauts de la voiture finissaient de l'indisposer. Ils n'étaient plus très loin maintenant, le taxi, une Skoda rouge rafistolée de bout en bout, fonçait vers la calle Obispo[1] en évitant intelligemment les ornières les plus redoutables.
- On arrive bientôt, non ? » demanda Dan impatient.
- On y est presque, tu ne reconnais pas le parque central ? lâcha Leydi amusée.
- Si bien sûr…où ai-je la tête » mentit Dan, pour le coup, surpris d'être déjà arrivé à bon port. En effet, le taxi tournait maintenant dans la rue Bernaza qui mène au Floridita. Passé le bar « Montserrate » et son vis à vis « le Castillo de Farnés » , le chauffeur termina sa course sur le parking en face du bar d'Hemingway. Il ne restait que cinquante mètres à parcourir à pied sur le trottoir de gauche de la rue Obispo.
Dan marchait aux côtés de Yanely avec Leydi deux mètres en retrait. Un paire de jineteros les apostrophèrent tout à coup :
- Do you woante cigars ?
Le plus mince des deux avait tenté quelques mots dans un mauvais anglais.
- Je vous appelle un taxi?, surenchérit le second qui poursuivait en espagnol.
Dan ne répondit pas au premier, de toute façon il n'achetait plus de cigares depuis qu'il s'était fait fourguer de faux Cohiba[2] à base de feuilles de palmier. Il ne jugea pas plus nécessaire de répondre au second qui les avait vu descendre du taxi. Nos deux compères ne se décourageaient pas pour autant:
- Une nouvelle ? tenta le freluquet pour le fun.
Dan se tourna vers lui interrogateur. Il n'avait pas compris immédiatement le sens de la question. Yanely avait quant à elle parfaitement interprétée et n'appréciait pas du tout la plaisanterie. Dans le plus pur style cubain malicieux et provocateur, le jinetero proposait une "autre fiancée" à Dan qui réagit un peu tardivement et avec force muflerie. Malgré l'irritation affichée de Yanely, il ne pus retenir un rire bruyant au bon mot du gamin. Toutefois, pour tempérer sa réaction, il lui prit délicatement la main pour y déposer un baiser, il n'était pas question de prendre le risque de gâter une seule minute de félicité de son séjour pour un simple éclat de son rire dénué de diplomatie...
Ils gravirent, comme de vieux habitués des lieux qu'ils étaient, les deux étages de l'immeuble jaune. Leydi s'était chargé de réserver l'appartement. Dan ne chercha même pas à négocier les vingt cinq dollars la nuit que lui demandait la propriétaire. Leydi, friande de surnoms, l'appelait la rubia[3]. Les circonstances en décidèrent autrement, mais pour l'heure, une fois de plus, Dan était sensé ne rester que peu de temps à La Havane. Dans ces conditions, il était peu enclin à faire des économies de bout de chandelle. De toute façon, il n'aimait guère marchander, surtout quand le prix demandé lui paraissait juste. La « rubia », une femme bien en chair, la trentaine révolue, traitait maintenant directement avec Dan. Le mari attendait devant la télé, dans un autre appartement, quelques rues plus loin. Dan n'en était pas fâché car à en juger les photos laissées dans l'appartement, il n'avait pas l'air commode. Sa mine renfrognée et ses gros biceps lui donnait une physionomie presque caricaturale de videur de boite de nuit.
En règle général, en matière de location d'appartement, le rôle de chaque conjoint semble prédéfini. Les femmes ne rechignent pas à prendre elles-mêmes en main les affaires d'argent. Pendant ce temps, les conjoints sont occupés à d'autres tâches, le plus souvent beaucoup moins rémunératrices…
- C'est la seconde ou la troisième fois que je viens là ? se demandait Dan.
- Après tout j'aurais aussi bien fait de lui demander une réduction pour ma fidélité.
Trop tard. La blonde descendait les escaliers d'un pas lourd et nonchalant, à la trajectoire bien calculée. Pour preuve, elle fit un pas de côté pour éviter une merde de chien.
Dan n'avait payé que trois nuits, il se donnait ainsi l'opportunité de tirer les tarifs de sa logeuse à la baisse, en fonction de l'évolution de son budget. Et puis, il pourrait lui venir l'envie de changer de lieu car c'était une de ses spécialités. Nanti d'une seule valise, il savait qu'il n'aurait pas grand effort à déployer pour quitter l'endroit. Et puis en bas, les guides ne font pas défaut, quelques parfaits spécimens s'exhibent jusque tard dans la nuit dans la rue Obispo. Dan en connaissait une demi-douzaine, au bas mot, à l'affût d'une commission ou d'une « Hatuey » bien fraîche. Et dans le quartier, il y a toujours quelques appartements libres, alors pas d'inquiétude...
Dan était installé dans un grand lit rond. Pas banal. La forme de la couche l'avait surpris, et son socle plus encore. Il était coulé en béton sur plus de quarante centimètres d'épaisseur.
- Tout çà doit peser des tonnes…enfin le matelas est épais, c'est le principal, pensa Dan. Maintenant, avec Yanely à ses côtés, plus rien ne pouvait entraver sa quête d'une béate et douce quiétude…


[1] Rue de l'évêque.
[2] Célère marque de cigare cubain.
[3] La blonde.
 
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